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Par Amy Sheppard Ratsara | Adventist World, janvier 2023

L’exposition universelle de 1893, laquelle a eu lieu à Chicago, dans l’Illinois (États-Unis), s’est tenue en commémoration du 400e anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Dans les décennies précédant cette exposition, il y avait un vaste mouvement en faveur de la loi du dimanche aux États-Unis. Dans les années 1800, les lois sur le dimanche étaient très populaires, et les tribunaux s’appuyaient ouvertement sur le christianisme pour en justifier la législation.

Dans de nombreux États américains, les lois sur le dimanche servaient d’outils à l’intolérance religieuse. On poursuivait les observateurs du sabbat parce qu’ils avaient effectué un travail sur leur propre propriété le dimanche, alors que les observateurs du dimanche coupables du même comportement n’étaient pas poursuivis du tout.

Avec la popularité du dimanche, il n’est pas surprenant que la question suivante surgit : Qu’en est-il des dimanches à l’Exposition universelle ? La mise en place d’une telle foire était une entreprise de grande envergure et nécessitait un capital important.

Alors que la date butoir approchait, le conseil d’administration avait besoin de fonds supplémentaires pour terminer à temps. Il adressa donc une pétition au Congrès américain. À la fin de 1892, le Congrès autorisa le financement de la foire, à condition qu’elle soit fermée les dimanches.

DES PROBLÈMES INHÉRENTS

Ce résultat, attribuable au mouvement du dimanche bien organisé, prit, semble-t-il, la plupart des gens au dépourvu lorsque la disposition fut adoptée. Des protestations s’élevèrent, et le Congrès tint des audiences du 10 au 13 janvier 1893 pour déterminer s’il devait révoquer la décision de fermer le dimanche.

Ceux qui soutenaient la fermeture de l’Exposition universelle le dimanche le faisaient parce qu’ils envisageaient un type particulier de communauté nationale dont l’identité politique était inextricablement liée à la croyance religieuse. Cela allait totalement à l’encontre de ce que la Bible et l’Esprit de prophétie enseignent.

« Mon royaume n’est pas de ce monde, répondit Jésus. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi […] ; mais maintenant mon royaume n’est point d’ici-bas. » (Jn 18.36) Ellen White commente : « Le royaume du Christ ne sera pas établi par des décisions de tribunaux ou de conseils ou d’assemblées législatives, ni par l’influence de grands hommes du monde ; il le sera par l’action du Saint-Esprit communiquant la nature du Christ à l’humanité 1. »

Un grand nombre reconnaissaient le problème inhérent à la décision d’un organe législatif de fermer la foire le dimanche pour des raisons religieuses. Parmi eux figurait Alonzo T. Jones, un pasteur, éditeur et éducateur adventiste.

Lorsque le Congrès signala qu’il était prêt à reconsidérer les préoccupations relatives à la condition de la disposition, Jones se présenta pour témoigner devant le Congrès. Il critiqua non seulement la fermeture du dimanche comme étant le résultat d’une interprétation des Écritures, mais aussi l’imposition de cette interprétation à la nation au détriment des communautés minoritaires. Il s’agissait là d’une violation de la Constitution des États-Unis.

Ce n’était pas la première fois que Jones témoignait devant le Congrès sur la question des lois du dimanche. En 1888, une loi nationale sur le repos dominical avait été en instance devant une commission du Congrès où il témoigna. Là, plutôt que de s’appuyer sur des arguments constitutionnels en faveur de la liberté religieuse, il s’appuya sur des arguments bibliques.

Jones suggéra que l’avertissement du Christ dans Matthieu 22.21 de rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César établissait une règle stricte et directe que le gouvernement civil ne pouvait pas violer. Il fit valoir qu’à travers cette déclaration, il existait des domaines de la vie sur lesquels le gouvernement civil avait juridiction, tout comme la religion avait juridiction sur d’autres domaines de la vie. Cependant, ces deux sphères ne se chevauchaient aucunement. Le gouvernement civil ne pouvait en aucun cas légiférer sur les observances religieuses. Traçant la ligne de démarcation entre ce que l’État civil pouvait et ne pouvait pas réglementer, Jones affirma : « La société n’a rien à faire dans les choses qui relèvent de notre devoir envers Dieu, du droit de l’individu de servir Dieu comme sa conscience le lui dicte 2. »

Selon la théorie de Jones, le gouvernement civil pouvait faire des lois qui réglementent les choses se rapportant aux relations entre une personne et ses semblables. Pour étayer cet aspect de son argumentation, Jones cita la structure des dix commandements.

Les quatre premiers commandements traitent de la relation d’une personne avec Dieu. En revanche, les six derniers commandements ont trait à l’interaction d’une personne avec d’autres êtres humains. Selon Jones, si la conduite que le gouvernement souhaitait réglementer relevait des six derniers commandements, la législation serait appropriée. En revanche, si la législation s’apparentait à l’un des quatre premiers commandements, elle serait illégitime et de ce fait, un gouvernement civil ne pourrait pas adopter de telles lois.

Jones présenta ensuite des arguments qui n’auraient pu découler que d’une compréhension adventiste d’Apocalypse 13. Il rappela que le christianisme primitif fut persécuté par Rome, qu’il s’unit finalement à elle – une union à l’effet désastreux – ce qui entraîna le développement de la papauté. Il avertit que si le Congrès donnait suite à une loi sur le dimanche, il suivrait les mêmes traces et établirait un pouvoir semblable.

POURQUOI S’OCCUPER DE ÇA ?

Pourquoi Jones, en tant qu’adventiste attendant le retour imminent de Jésus, se donna-t-il la peine de témoigner devant le Congrès en 1888 et en 1893 ? Quelques jours avant le témoignage de Jones en 1888, Ellen White écrivit dans la Review and Herald : « Nous nous attendions depuis longtemps à voir paraître une loi du dimanche dans notre pays, et maintenant que le mouvement du dimanche nous menace directement, nous demandons : “Que doivent faire nos membres dans cette situation ?” Nous devrions spécialement rechercher Dieu afin qu’il nous donne sa grâce et sa puissance. Dieu est vivant et nous ne pensons pas que le temps soit entièrement venu où il permettra que nous soyons privés de nos libertés 3. »

Les Écritures, l’Esprit de prophétie et l’expérience des premiers adventistes illustrent le fait que les occasions de plaider pour la liberté religieuse peuvent se présenter dans des arènes inattendues. Mais nous pouvons être préparés et équipés pour ce faire. C’est, indubitablement, un devoir prophétique de plaider pour la liberté religieuse aussi longtemps que possible.


1 Ellen G. White, Jésus-Christ, p. 506.
2 Document divers du Sénat n° 43, 50e congrès, 2e session, 1888, p. 74 ; voir aussi The National Sunday Law: Argument of Alonzo T. Jones Before the United States Senate Committee on Education and Labor, in Washington, D.C., 13 décembre 1888.
3 Ellen G. White, Événements des derniers jours, p. 98.


Amy Sheppard Ratsara est avocate, et habite avec sa famille au Michigan (États-Unis).