Skip to main content

Par Ezrica Bennett | Adventist World, janvier 2023

Et si on se mettait dans la peau du frère aîné ?

Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi, et tout ce que j’ai est à toi » (Lc 15.31)*.

Il y a des jours où il nous semble que le poids de notre constance pèse lourdement sur notre cœur. Nous avons fait de notre mieux ; nous avons fait preuve de diligence dans nos efforts ou nos prières. Mais à quoi bon, puisqu’aucune bénédiction ne s’ensuit ? Pire encore, c’est presque comme si, chaque fois que nous regardons autour de nous, quelqu’un d’autre a été « béni »… mais pas nous !

Bien que nous priions peut-être depuis plus longtemps ou travaillions plus dur que les autres, il nous semble que leurs prières soient exaucées sans délai, mais pas les nôtres. D’ordinaire, nous nous réjouissons du bonheur de ceux qui nous entourent, nous célébrons les bénédictions et les miracles dont ils ont été l’objet. Mais là, dans les recoins de notre cœur, une question surgit : Et moi ? Quand est-ce que ce sera mon tour d’être heureux ?

Quand nous avons l’impression qu’après avoir travaillé dur, nos efforts n’ont rien rapporté, quand il nous semble que tous ces efforts se heurtent au silence, que pouvons-nous faire ?

UNE HISTOIRE RÉCONFORTANTE

Si tel est votre cas, si vous avez l’impression d’avoir travaillé en vain, vous pouvez réfléchir à une belle histoire : la parabole du fils prodigue (Lc 15.11-32). Cette histoire vous est sans doute familière. Elle commence comme ceci : un homme a deux fils. Un jour, le plus jeune lui demande de lui donner sa part d’héritage. Bien que le père ne soit absolument pas obligé de le faire, il accorde gracieusement à son fils ce qu’il désire. Tout joyeux, le jeune homme part de chez lui pour une contrée lointaine. Il s’y installe et y dépense frivolement jusqu’au dernier sou de son héritage.

N’ayant plus rien à manger, il est désespéré au point de se contenter de la nourriture des cochons – si on veut bien lui en donner ! Et soudain, il se rend compte que le plus petit serviteur de la maison de son père est bien mieux traité que lui.

Il décide alors de retourner chez son père et de lui demander de le prendre pour serviteur. Alors qu’il est encore loin, le père l’aperçoit, accourt vers lui, et dans sa joie de le revoir, l’étreint et l’embrasse ! Ensuite, il le revêt de sa plus belle robe, lui met un anneau au doigt, des sandales aux pieds, et organise un festin pour célébrer son retour.

Quand on raconte cette parabole du fils prodigue, on présente souvent comme thème principal l’amour indéfectible de Dieu. Mais que diriez-vous maintenant de réfléchir à l’expérience du troisième personnage de cette histoire – le frère aîné ? Je crois que sa rencontre avec son père peut donner du répit à l’âme fatiguée.

LE FRÈRE AÎNÉ

D’après la parabole, le frère aîné travaille encore aux champs au moment où son frère revient. Une fois son ouvrage terminé, il rentre à la maison. C’est alors qu’il entend la musique et les danses. En apprenant ce qui s’est passé, son cœur se remplit de colère. Pas question d’entrer et de se joindre à la fête ! Lorsque le père s’enquiert de la raison de son refus, il répond, très frustré, qu’il l’a toujours servi fidèlement, travaillant sans relâche et obéissant à tous ses ordres… Mais voilà, on n’a jamais organisé une fête en son honneur !

Tandis qu’on explore cette parabole, on insiste souvent sur l’amertume du frère aîné. Mais prenons un moment pour nous mettre dans sa peau. Son jeune frère a reçu son héritage à l’avance et l’a ensuite dilapidé. Et après avoir fait ses mauvais choix, on lui fait la fête comme si de rien n’était ! On célèbre son infidélité envers son père ! Mais pour lui, le fils fidèle, pas de fête, et pas de cadeaux.

Vu sous cet angle, sa frustration est parfaitement compréhensible. Il s’échine au travail, et personne ne le remarque, semble-t-il. Que reçoit-il en récompense de ses efforts constants ? Rien du tout ! La négligence de son frère est récompensée, alors que sa propre diligence passe complètement inaperçue. Il éprouve une grande colère – peut-être même de l’envie, se demandant à quoi sa vie aurait ressemblé ou quelles joies il aurait pu connaître si, comme son frère, il avait demandé son héritage et avait vécu comme il l’entendait.

Le frère aîné souffre peut-être d’épuisement. Lorsque nous nous sentons épuisés au-delà de tout soulagement, la réponse que lui fait son père peut s’appliquer à nos propres vies : « Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi, et tout ce que j’ai est à toi. » Que signifie une telle réponse ? Simplement que le père tente de montrer à son fils aîné que le cadeau auquel aspirer n’est pas l’héritage, la liberté perçue ou la fête, mais son père même. Ce cadeau a toujours été l’amour de son père.

COMMENT EST-CE QUE ÇA S’APPLIQUE À MOI ?

Il est facile de croire que lorsque nous prions pour un emploi, une bonne relation, une stabilité financière ou une forme de succès, l’exaucement de notre prière est un signe de la bénédiction et de la bonté de Dieu à notre égard. De même, lorsque les choses pour lesquelles nous prions et que nous recherchons deviennent inaccessibles, lorsque nous sommes déçus ou éconduits, ou que nous n’arrivons pas à entrevoir de réponse, nous interprétons souvent cela comme un signe de rejet de la part de Dieu. Il est aussi facile, comme l’a fait le frère aîné, de penser que nos efforts constants sont le moyen d’obtenir la faveur de Dieu. Mais à un moment donné, à l’instar du frère aîné, nous serons en colère quand les choses ne se seront pas déroulées tel qu’on le prévoyait, et amers quand elles se seront déroulées à merveille pour les autres.

Jésus veut que nous comprenions que ce que nous recherchons ne peut se trouver dans des choses tangibles telles qu’un héritage, la stabilité financière, les relations, ou le succès. Cela ne peut non plus se trouver dans les habitudes dont nous sommes si souvent fiers, telles que l’obéissance, la diligence, ou la constance. Il n’y a aucune satisfaction à travailler machinalement pour atteindre ces objectifs. Ce que notre cœur désire par-dessus tout, c’est Dieu, et Dieu, nous l’avons déjà ! Tout comme le père a accouru vers son fils prodigue qu’il a aperçu au loin, et tout comme il est sorti pour parler à son fils aîné fatigué après une dure journée de travail aux champs, Dieu viendra constamment à notre rencontre et nous rappellera que tout le long, ça a été lui le cadeau. Il nous répétera cette vérité par des moyens simples et intimes. Chacun de nous est son enfant ; par conséquent, nous avons entièrement accès à tout ce dont nous avons besoin, que nous le ressentions ou non.

Vous avez travaillé et donné tout ce que vous pouviez ? Épuisé, vous êtes soudain tenté de vous demander si on ne vous a pas oublié et négligé ? Si oui, posez-vous alors les questions suivantes : Qu’est-ce que je recherche vraiment ? Pour quoi, au fond, est-ce que je travaille ? Si je reçois exactement ce que je veux, qu’est-ce que je vais découvrir ? Si je chéris l’idée que j’ai déjà le plus grand cadeau de tous, à savoir l’amour de Dieu, quel impact cette idée aura-t-elle sur mon état d’esprit et mon comportement ? Comment puis-je recadrer mon esprit pour voir que chaque période,
que ce soit une période d’abondance ou d’attente, et chaque cadeau – qu’il soit tangible ou intangible – est simplement une extension et un reflet de l’amour que Dieu a généreusement donné ?

Alors, si vous avez l’impression d’être au bout du rouleau et qu’aucune bénédiction ne s’ensuit, consolez-vous avec la promesse faite au fils aîné : tout ce qui appartient à votre Père vous appartient aussi.


* Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.


Ezrica Bennett, une jeune adulte, occupe un poste de direction à l’église de l’Université de Loma Linda, dans le sud de la Californie, aux États-Unis.