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Par Gérard Fratianni | Revue Adventiste, avril 2022

Introduction

Comme vous, je suis contre. J’aurais souhaité une Bible bien lisse, sans les aspérités qui nous plongent parfois dans l’inconfort et heurtent notre sensibilité. « Dieu aurait pu refuser ces textes. Et la Bible aurait été expurgée… de toutes les scènes violentes ou inconvenantes ».1 Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Jésus, lecteur fidèle et diligent de l’Ancien Testament, ne pouvait les ignorer. En a-t-il été offusqué ? Certainement et même plus que nous, mais le Seigneur ne fait aucun commentaire sur la violence dans l’AT. Comme nous, il en prend acte.

Aujourd’hui encore, ces textes restent intraitables et choquants, car là où le lecteur s’attend à rencontrer des hommes parfaits, il découvre des hommes comme nous, habités par le bien, mais bien souvent traversés par d’obscures forces maléfiques. Le lecteur découvre aussi un Dieu en quête des hommes et passionnément épris de ses créatures en proie à la violence.

Je ne suis pas le premier à me confronter à ce problème. Un grand nombre de collègues avant moi, ont partagé le fruit de leurs recherches dans nos différentes revues et livres.2 On peut bien sûr ignorer ces épisodes choquants, leur donner une portée allégorique, mythique, à l’instar de l’Iliade et l’Odyssée, leur refuser toute inspiration divine, ou respecter leurs mystères, en attendant le jour où « je connaîtrai comme j’ai été connu ».3 Notre Créateur a dit et fait des choses impénétrables. Or, seul Dieu peut comprendre Dieu. Mais les hommes de la Bible aussi, ont dit et fait des choses qui ne reflétaient pas toujours la volonté de leur Seigneur. Il est vrai que : « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu »4 Mais ces « choses » sont-elles toujours voulues et accomplies par Dieu ? Une chose est certaine : Dieu redonne forme à nos vies en miettes et recycle nos ratages et nos scories.

Toute explication humaine de ces « mystères divins », bien que « nous ayons la pensée du Christ »5 et que nous soyons « créés de peu inférieurs à Dieu »6, doit être empreinte d’humilité, toujours ouverte à une meilleure compréhension. D’où la fragilité de nos interprétations qu’il faut affiner sans cesse.

La violence dans les Saintes Écritures est l’un de ces « rochers de scandale » (G. Steveny) qui trouble nos esprits. Les auteurs inspirés ne cachent pas l’âpreté du langage. « Pour éviter ce trouble, le piège serait de dissimuler la violence ou de la faire disparaître ».7

Rejetons d’emblée l’idée que le Dieu colérique de l’Ancien Testament soit devenu le Dieu amour du Nouveau. On trouve dans les 2 Testaments douceur et violence. Pour nous chrétiens, c’est une évidence « qu’en Dieu, il n’y a ni changement, ni ombre de variations »8. Le Dieu qui a fait périr l’armée égyptienne et anéantit Sodome et Gomorrhe est le même Dieu du Sermon sur la Montagne. Le Yaweh de l’Ancienne Alliance est le Jésus de la Nouvelle Alliance. (J. Doukhan). Les traits constitutifs de sa personne sont : miséricorde, compassion, fidélité, bonté, grâce, pardon, justice, amour, etc. « La violence ne fait pas partie de l’essence divine »9. Elle ne se trouve pas parmi les qualités de Dieu. Mais comment peut-il venir à bout de la violence sans avoir recours à la violence ? Or il existe en Dieu une violence « autre », dont nous parlerons dans la 3e partie de ce thème.

Pour l’instant retenons que les auteurs inspirés décrivent Dieu, tantôt dans toute sa tendresse, « comme souffle doux et léger », Père désappointé, amant trahi et abandonné, tantôt dans ses impressionnantes théophanies (Sinaï, Carmel, Mer Rouge, chemin de Damas, etc.10). Cette ambivalence divinedanslesÉcritures estàrespecter.

Mon intention n’est pas d’analyser tous les textes se rapportant à la violence et aux guerres dans la Bible. Je me permets de présenter une vue d’ensemble du problème qui m’a troublé et je pense l’avoir en grande partie surmonté. Quand nous sommes confrontés aux forces maléfiques et mortifères, de quelque nature que ce soit, souvenons-nous que Dieu est toujours du côté de la victime, même si celle-ci est dans ses torts11.

Pour cette réflexion sur la violence et les guerres dans la Bible, je suis redevable à bien des auteurs, en particulier, Jacques Doukhan, Georges Steveny, Pierre Chaunu, Guy Labouérie, Joseph Barbaglio, Paul t Denise Vasse, etc.12. J’ai beaucoup apprécié une conférence que notre ami J. Doukhan a présentée à l’église de la Lignière à Gland en Suisse dans les années 90. Sauf erreur, cette étude n’a jamais été publiée dans la Revue Adventiste en langue française. Je me permets, avec son aimable autorisation, de vous la résumer brièvement.


Gérard Fratianni Pasteur à la retraite