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Par Frederick Kimani | Adventist World, février 2023

Rien n’aurait pu me préparer à ça.

« Je suis désolé Daktari1. On vient de le perdre. »

Je fige sur place.

Mon cœur se met à battre la chamade, mon esprit est assailli de questions qui demeurent sans réponse. Un chagrin inexplicable me submerge. Un tourbillon d’émotions envahit tout mon être, tandis que je me pose la question que beaucoup d’entre nous ont posée tant de fois. « Pourquoi a-t-il dû mourir ? »

C’est donc comme ça qu’on se sent.

Dans l’hôpital de Nairobi, au Kenya, où je travaille, on m’a appelé le « médecin de la COVID ». J’ai traité des centaines de patients pendant la pandémie de COVID-19. Aujourd’hui, en plein cœur de la pire vague du variant delta de la COVID, j’ai su finalement ce que signifie perdre un proche, un membre de ma famille – celui duquel j’avais cru qu’il survivrait mais qui, hélas, y a laissé sa peau.

Pourquoi, Seigneur ?

Nous lui avons administré tous les traitements les plus récents disponibles dans notre partie du continent africain, mais sans succès. Nous avons prié avec ferveur pour lui. Nous avons supplié Dieu jour et nuit d’épargner sa vie. Mais Dieu n’a pas jugé à propos d’intervenir.

C’est peut-être ce qu’ont ressenti Marie et Marthe lorsqu’elles ont supplié Jésus de guérir leur frère Lazare, lorsqu’elles ont cherché à susciter sa sympathie en lui rappelant son attachement à Lazare :

« Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade. » (Jn 11.32) Un rappel de l’attachement de Jésus à Lazare susciterait, à coup sûr, une réaction immédiate pour le guérir. Après tout, Jésus avait guéri tant d’autres malades ! Pourquoi ne pas sauver cet homme qu’il aimait tendrement comme son propre frère ?

Mais le Seigneur n’est pas intervenu. Pourtant, nous lisons : « Or, Jésus aimait Marthe, et sa sœur, et Lazare. Lors donc qu’il eut appris que Lazare était malade, il resta deux jours encore dans le lieu où il était » (Jn 11.5,6). Se pourrait-il que le « retard » apparent de Jésus soit lié à son amour pour Lazare, Marie et Marthe ? Se pourrait-il que son comportement apparemment distant, consistant à remettre à plus tard ce que ses proches désiraient désespérément – cet acte même « d’arriver trop tard » – ait été la démonstration ultime de son amour pour eux ? Se pourrait-il que les moments où nous avons l’impression que Jésus n’est pas là pour nous – les moments où Dieu semble si éloigné de notre expérience douloureuse – soient les moments mêmes où son amour nous entoure le plus ?

Cela fait maintenant plus d’un an que nous avons enterré le membre de ma famille que j’aimais tant. Cependant, les paroles de Jésus à Marie et Marthe sont devenues vivantes pour moi – des milliers d’années après qu’il les ait prononcées :

« Cette maladie n’est point à la mort ; mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle. » (Jn 11.4) La mort que Marie et Marthe connaissaient humainement n’était pas vraiment la mort selon les termes de Jésus. Le Seigneur savait qu’il y aurait une plus grande bénédiction dans la mort physique de Lazare que dans la guérison de sa maladie. Il prévoyait que Dieu recevrait une plus grande gloire dans son retard apparent que s’il était intervenu directement. Le Seigneur, dans sa sagesse, nous permet de passer par des moments douloureux parce qu’il voit la situation dans son ensemble. Jésus a dit à Marthe :

« Ton frère ressuscitera. » (Jn 11.23) C’est exactement ce qu’il nous dit aujourd’hui : nous pouvons ressusciter de notre douleur, de nos peines de cœur, de nos problèmes insurmontables, de nos épreuves, de nos situations désespérées, de nos souffrances – nous pouvons et nous allons ressusciter !

Alors que nous réfléchissons aux piliers de notre foi, Dieu nous rappelle que nos proches décédés ressusciteront, car ils viennent simplement de « s’endormir » (Jn 11.11). Notre douleur temporaire sur terre donnera lieu à une joie permanente au ciel. Cela nous donne l’espoir « que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous » (Rm 8.18). Cela nous donne l’assurance que tout ce que nous traversons maintenant dans nos vies personnelles – y compris ce qui est mauvais et laid – est une preuve de l’amour de Dieu pour nous. C’est dans nos souffrances qu’il se tient le plus près de nous, tout comme le disent les derniers mots du poème sublime « Empreintes sur le sable ».

« Et le Seigneur m’a répondu : “Mon enfant bien aimé, les jours où tu ne vois qu’une trace sur le sable, ce sont les jours où je te portais.” »


1 Traduction swahilie de docteur.
2 Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.


Frederick Kimani est médecin consultant à Nairobi, au Kenya.