Skip to main content

Par Frederick Kimani | Adventist World, juin 2023

“Je suis désolé, Martha1 ; on ne peut rien faire.” Mon cœur sombre alors que j’annonce cette nouvelle tragique à ma patiente de 35 ans. Elle s’est présentée à l’hôpital avec des douleurs abdominales et un diagnostic d’infection comorbide par le VIH. Cependant, personne n’aurait pu prévoir ce que nous avons découvert lorsque nous l’avons opérée. Un cancer de stade 4 s’était propagé dans ses poumons, son foie, et ses intestins.

Une larme coule sur sa joue tandis qu’elle me regarde en silence, incrédule. Que pourrais-je dire d’autre ? Est-ce ce que je dois essuyer ses larmes ou la laisser pleurer un bon coup ? L’accompagner dans son deuil en silence ou essayer de la réconforter avec des paroles d’espérance (même si je sais que le cancer va bientôt la tuer) ? Quelle lueur d’espoir pourrais-je lui donner qui aurait un sens pour elle en un moment pareil ? Je m’arrête pour réfléchir aux deux jeunes enfants qu’elle a laissés à la maison. Que vont-ils devenir ?

Environ une semaine plus tard, mon collègue me tire brusquement à part dans le couloir de l’hôpital. « J’ai le regret de vous annoncer que pendant votre absence [en voyage d’affaires], nous avons perdu Martha. » Je fige, tandis qu’un flot d’émotions me submerge : choc, horreur, surprise, chagrin, tristesse, colère, déni, culpabilité…

Nous avons tous connu le chagrin et la souffrance, d’une manière ou d’une autre. Peut-être le chagrin d’avoir perdu un être cher dans la mort ; ou la perte d’un conjoint à la suite d’un divorce ; la perte de la santé en raison d’une maladie en phase terminale ; la perte de la paix intérieure à cause de la dépression et de l’anxiété. Pour d’autres, il peut s’agir de la perte d’un emploi, d’une maison, d’une voiture… ou même d’un rêve, d’une attente, ou d’une aspiration en raison d’un échec imprévu. Souvent, notre chagrin s’accompagne de la question classique suivante : « Pourquoi, Seigneur ? »

Considérons qu’il se peut que Dieu ait un but divin pour notre chagrin. Nous le voyons dans la souffrance de Jésus.

« Il a plu à l’Éternel de le briser par la souffrance… Après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché, il verra une postérité et prolongera ses jours ; et l’œuvre de l’Éternel prospérera entre ses mains 2. » (Es 53.10) Se pourrait-il que notre chagrin ici-bas fasse partie du bon plan de Dieu pour nous faire entrer dans une vie longue et prospère dans l’éternité ?

Lorsque nous sommes affligés, il est naturel de pleurer. Les larmes coulent sur nos joues alors que nous nous résignons à la douleur de la mort – qu’il s’agisse de la mort de ceux que nous aimons, de la mort d’une amitié lorsque nous sommes trahis par des alliés de confiance, de la mort d’une aspiration lorsque nous recevons la nouvelle du rejet de notre candidature, ou de la mort d’une relation amoureuse. Même si nos yeux peuvent devenir « éteints par le chagrin » (Jb 17.7, BFC) comme ceux de Job, je suis encouragé par le psalmiste, lequel nous rappelle qu’aucune de nos larmes n’est perdue, car le Seigneur recueille chacune d’entre elles dans un registre parfait. David dit : « Tu comptes les pas de ma vie errante ; recueille mes larmes dans ton outre : ne sont-elles pas inscrites dans ton livre ? » (Ps 56.9)

Je me souviens encore des derniers mots que j’ai adressés à Martha avant sa mort prématurée. « C’est normal de pleurer. Dieu t’aime tellement qu’il a recueilli chacune de tes larmes dans son outre. » Au plus profond de notre chagrin et de notre souffrance, c’est la seule vérité à laquelle nous pouvons nous accrocher. Dieu nous aime.


1 Nom fictif.
2 Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.


Frederick Kimani est médecin consultant à Nairobi, au Kenya.