Skip to main content

Par Eurico Correia | Revue Adventiste, février 2023

L’évangile de Jean mentionne à plusieurs reprises un « disciple bienaimé ». Personnage mystérieux et en même temps capital qui n’est mentionné nulle part ailleurs dans le reste du Nouveau Testament. Son identité a fait couler beaucoup d’encre parmi les théologiens et autres lecteurs de la Bible. Beaucoup se demandent s’il s’agit d’un personnage fictif ou symbolique, s’il a réellement existé, ou si c’est l’un des douze, et dans ce cas lequel ou encore un disciple d’un cercle plus large ? La réponse à cette question restera un mystère malgré tous les efforts possibles pour l’identifier. D’Irénée de Lyon qui identifie le disciple bien-aimé avec Jean, fils de Zébédée, à Oscar Cullman qui suggère qu’il s’agisse d’une autre Jean, l’ancien, possiblement auteur des deuxième et troisième épitres johanniques, en passant par Rudolph Bultmann qui y voit un personnage symbole du paga- no-christianisme ou encore de ce ceux qui ont imaginé qu’il pouvait s’agir de Lazare, Matthias, Marie-Madeleine… nous n’avons que des hypothèses un peu contingentes.

Même si l’option de considérer qu’il s’agirait de Jean, le disciple et auteur de l’évangile, nous parait la plus crédible, l’identité du disciple bien-aimé n’est pas aussi importante que sa nature ou ses qualifications. Si le narrateur a choisi de garder son anonymat, il nous semble sage de conserver cette même position. La figure du disciple bien-aimé dans le quatrième évangile est donc anonyme mais belle, déterminante, inspirante. Comprendre les qualifications du disciple bien-aimé peut nous amener à croire au Fils de Dieu et par conséquent à devenir ses disciples « bien-aimés ».

Il est intéressant de noter que le quatrième évangile présente explicitement le disciple bien-aimé à partir de la dernière semaine de la vie de Jésus et dans des événements clés tels que : le dernier repas (13.23-25), la crucifixion (19. 26-27), la course au tombeau (20.2-10), la pêche miraculeuse (21.1-8) et à la fin de l’évangile comme un « modèle » de disciple (21.20-24). Qu’est-ce qui donne à ce disciple une position particulière parmi les disciples ? Quelles étaient ses qualifications et qu’avons-nous à apprendre de cela ? Ces questions nous semblent centrales en rapport avec le discipulat, si étudié aujourd’hui.

1. En premier lieu, son intimité avec Jésus est remarquable. Dans le récit de la Cène (13.23-25), l’expression utilisée évoque que le disciple bien-aimé « était allongé à table […] contre la poitrine de Jésus ». On y trouve les notions d’affection, de familiarité, de confiance, d’intimité au sens du partage des connaissances, d’amitié profonde et durable. Cette intimité est identique à celle que Jésus avait avec le Père, comme le présente le même évangile (1.18). De même que le Fils unique, qui était dans le sein du Père, est en mesure de le révéler à l’humanité, le disciple bien-aimé est également en mesure de rendre témoignage à Jésus parce qu’il le connaît.

2. Deuxièmement, le disciple bien-aimé est le seul des douze disciples qui était au pied de la croix au moment de sa mort (19.26-27). Pierre garde ses distances, mais le disciple bien-aimé est aussi proche que la propre mère de Jésus. Ce moment est symbolique, car il y a un transfert de position de Jésus (le fils) au disciple bien-aimé qui devient « fils » de Marie (19.26). Une communauté de foi est née à ce moment-là, au pied de la croix. Le disciple bien-aimé devient « responsable » non seulement de la mère de Jésus, mais aussi de l’héritage du Christ en tant que fondateur de l’Église.

3. Troisièmement, nous pouvons souligner son zèle pour Jésus et sa foi. Pierre et le disciple bien-aimé partent ensemble pour aller voir le tombeau vide, mais c’est ce dernier qui arrive le premier (20.4). Il court plus vite que Pierre, mais n’ose pas entrer dans le tombeau. Il contemple les bandelettes de l’extérieur, au début, et n’entre qu’après Pierre. L’évangile ne donne pas la raison pour laquelle il n’est pas entré immédiatement dans le tombeau, mais nous percevons clairement qu’il a vu et a cru (20.9). Or, le « croire » est le point central de l’évangile de Jean, mais en fin de compte, c’est aussi la première exigence pour être disciple.

4. Quatrièmement, dans la troisième apparition de Jésus ressuscité, qui a lieu à l’occasion de l’épisode de la pêche miraculeuse (21.1-8), nous voyons comment la connaissance de Jésus par le disciple bien-aimé l’a conduit à le reconnaître comme Seigneur et, à son tour, comment cette foi de Jean a eu un impact sur la foi de Pierre et des autres disciples (21.7,12). Avant même que Jésus ne fasse un geste pour leur rappeler ce qu’il avait fait avant sa crucifixion, le disciple bien-aimé l’avait déjà reconnu. Finalement, il est présenté comme celui qui a suivi Jésus (21.20). Cette façon de le présenter est significative, car il est mis en opposition avec Pierre, qui est invité à suivre Jésus (21.20-24). Contrairement à Pierre qui agit souvent par impulsion, le disciple bien-aimé connaît sa position par rapport à Jésus et reste à sa place : c’est celle de se mettre derrière Jésus, à sa suite.

Au final, le titre de disciple bien-aimé peut être attribué aujourd’hui à tout disciple qui possède les qualifications présentées dans le quatrième évangile, celles et ceux qui ont une intimité unique avec Jésus, qui s’inscrivent dans la continuité de ce que Jésus est venu faire sur cette terre, qui ont le zèle nécessaire pour le Christ, qui connaissent le Christ et le reconnaissent au travers d’une foi contagieuse, et qui assument leur position de disciple, celle de suivre Jésus.