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Par Pedro Torres | Revue Adventiste, janvier 2023

Nous sommes en compagnie de Bill Knott, rédacteur en chef des magazines Adventist Review et Adventist World. Il est aussi le directeur d’Adventist Review Ministries.

Revue Adventiste (RA) : Vous avez également d’autres responsabilités.

Bill Knott (BK) : Un grand nombre d’autres ministères se sont développés autour de celui-ci. Envisageons-le plutôt comme un ensemble de médias.

RA. Alors, expliquez-nous tout cela en quelques mots.

BK. En plus des parutions imprimées comme « Kids View », un site de télévision pour enfants a été lancé, l’équivalent d’Adventist Review TV (ARTV). Ce dernier est devenu une très grande plateforme suite à l’afflux des demandes. Nous disposons actuellement de 1 500 titres et un nombre impressionnant de matériel. Adventist Media Lab, quant à lui, permet de mettre à disposition de l’Église des produits innovants. Nous sommes passés de la réalité augmentée à la réalité virtuelle, en passant par la gamification. Face à cet engouement, nous étions soucieux de savoir comment améliorer le processus décisionnel de l’Église en matière de développement de produits. À aucun moment, je ne puis prétendre avoir appréhendé le flot des demandes, vous savez. Certaines personnes s’empressent de dire « tu avais cette grande (vision)… » Non, je n’avais pas de grande vision. Je regardais les gens que Dieu envoyait, et je me disais : « Tu peux faire ça ? C’est une piste à explorer, disais-je ; alors, essayons-la ! ». Pour une personne aussi profondément ancrée dans la tradition, comme je l’ai été en tant qu’historien parce que j’aime le passé ; il ne bouge pas, vous savez ! C’était frustrant de me trouver à la place de celui qui devait amorcer la transition vers l’ère numérique. Je suis passé de quelqu’un qui aime toucher des pages antiques, à celui qui s’est entendu dire : « Attendez, nous devons nous réinventer. Nous devons imaginer ce ministère d’abord comme du numérique », alors que ce n’est pas ma plate-forme de prédilection ; ce n’est pas naturel chez moi. Pourtant, j’ai eu à faire venir des personnes issues de la génération numérique qui s’épanouissent dans cet environnement, et j’ai dû leur dire : « Venez travailler ici, et intégrez cette équipe ». Ce fut un processus de réinvention. En fait, j’utilise souvent cette expression dans mon ministère : « réinventer l’avion tout en le pilotant ». Vous devez continuer à avancer, mais vous essayez constamment de réinventer les processus, de réinventer les images. Nous avons également un média, pas seulement le laboratoire des médias, mais nous avons un segment audio d’Adventist Review. Nous publions un petit article appelé « Notes de grâce ». Ce week-end, il a été vu 300 000 fois sur Facebook. Il est traduit en plusieurs langues et devient viral dans le monde entier. Ce que nous avons réalisé, et je pense que cela m’a frappé il y a quelques années en arrière, c’est que Dieu veut faire quelque chose, et qu’il doit trouver des gens qui en ont la volonté. Plus encore que des personnes talentueuses ; il doit trouver des personnes volontaires. Il fournit les compétences ; il fait venir les personnes ; il montre les atouts. Il ne nous reste plus qu’à réunir un ensemble de sensibilités. Je ne resterai pas bloqué là où j’en étais. J’apprendrai à faire preuve de souplesse, j’écouterai les personnes avec lesquelles je ne suis pas d’accord, j’essaierai de construire ici une communauté sûre aptes à la créativité et l’innovation. Je n’ai pas fait concorder ces choses naturellement, ce n’est pas mon histoire. Mais cela fait partie de ce que j’ai appris au cours de ce nouveau voyage pour moi.

RA. Je dois dire une chose, Adventist Review est la plus ancienne institution adventiste au monde. Même plus ancienne que l’Église adventiste du septième jour.

BK. Il a quatorze ans de plus ; ce que je rappelle régulièrement aux dirigeants !

RA. À ce propos, c’est le seul ministère qui a été recommandé, ordonné par Jésus lui-même.

BK. Oui. Vous savez, je ne cesse d’interpeler certains dirigeants, en disant : « faites attention à ce que vous voulez en faire !». Ce ministère remonte à 1848 ; il vient immédiatement après la vision d’Ellen White. » Elle a dit : « J’ai vu que mon mari devait publier un petit journal ». Il a fallu huit mois à James pour y arriver. Mais il l’a fait. À partir de ce moment, nous avons vu (l’accomplissement de) sa prédiction que « cela coulerait comme des rayons de lumière éclairant le monde ». Comment mieux décrire l’ère numérique que des « courants de lumière » faisant le tour du monde littéralement à la vitesse de la lumière ? Regarder un ministère qui a commencé avec quelques pages imprimées et, maintenant, ce sont des millions d’applications à travers le monde, lues par des gens dont nous n’avons aucune idée, qui sont bien au-delà de toute audience ciblée.

RA. Donc, cela permet de voir combien il est stupéfiant de savoir que son nom viendrait en dernier pour suivre celui qui jusqu’ici était James White. Alors, maintenant c’est très intimidant de penser : « wow, nous devons innover »… Puisque toute l’ère numérique est arrivée avec vous.

BK. C’est un peu cela… Je pense toujours que c’est l’ironie du sort pour quelqu’un qui, comme je l’ai dit, aime le papier imprimé. Mais, en contrepartie, il convient de reconnaître que lorsque vous revenez en arrière pour regarder l’histoire de James White, vous ne pouvez vous empêcher de reconnaître que cet homme était profondément innovateur, créatif. L’image que nous avons de lui est plutôt réducteur, car nous l’avons mis dans des vêtements sombres, avec une barbe alors qu’il était beaucoup plus âgé, et nous l’avons fait passer pour le symbole de la solennité. Il n’avait rien de solennel du tout. Cet homme était constamment à la recherche de nouveautés : un meilleur équipement, de nouvelles méthodologies, un design plus novateur. Il était constamment dans cette optique d’amélioration de son produit. J’ai souligné ceci : l’Adventist Review est la plus vieille start-up (initiative) de l’Église. Elle est toujours dans ce processus de réinvention. Pour nous aujourd’hui, l’étape particulière a été, à l’ère du numérique, de commencer à imaginer non seulement que nous ajouterons du numérique, mais que nous ferions du numérique d’abord. C’est toujours une ambition, qui n’est pas entièrement réalisée, car il y a tant à développer encore… Mais c’est immensément satisfaisant de découvrir qu’il y a des centaines de milliers de personnes qui n’ont jamais connu nos produits sous forme imprimée, et, qui maintenant font partie de la famille grâce à nos produits.

RA. Nous savons maintenant que l’Adventist Review a de nombreuses éditions en différentes langues, dans le monde entier. L’une d’entre elles est la nôtre en France qui a été publiée pour la première fois en 1892, elle est donc assez ancienne.

BK. Presque la plus ancienne.

RA. Il se trouve que je suis maintenant le dernier nom sur la liste d’éditeurs de la Revue Adventste. Mais j’aimerais vous poser une question sur la revue Adventist World, qui est une sorte de revue « annexe » à ce que vous faites. Pourquoi Adventist World en plus de la revue Adventist Review ?

BK. En 2004, le pasteur Jan Paulsen, président de la Conférence générale a fait venir Bill Johnson, mon prédécesseur, et le presse, en disant : « devenons global, ne nous concentrons pas seulement sur les domaines dans lesquels nous sommes déjà à l’aise et établis. Concevons un magazine pour l’ensemble de l’Église mondiale ». J’ai eu à faire partie de cette « initiative », car nous avons dû commencer à imaginer ce qu’il fallait faire ; comment le financer ; comment le diffuser. D’énormes problèmes logistiques s’interposent lorsque vous essayez de distribuer un magazine à des millions de personnes. Ensuite, il a fallu réfléchir à la manière de développer le contenu. Le grand danger est qu’un groupe d’Américains se réunisse et produise quelque chose qui ressemble à l’Amérique du Nord, ce qui signifie que cette revue sera morte à l’arrivée dans la plupart des pays destinataires. Tout de suite, j’ai commencé par coacher notre personnel. Puis, devenu rédacteur en chef, je disais régulièrement : « Nous devons imaginer que nous travaillons depuis un autre point du monde, disons la côte africaine par exemple, il convient donc de nous délocaliser ; aller dans un endroit différent et réfléchir ». Et c’est ainsi que nous avons recruté cette équipe de personnes ayant vécu et travaillé avec plus de 25 nations dans le monde. Alors, nous avons hérité d’un groupe de travail multiethnique, multinational et multiracial. C’est exactement ce que nous avons essayé de faire. Vous ne pouvez pas représenter une église internationale en réunissant un groupe de personnes bien motivées et dire : « nous allons essayer d’imaginer ce que les gens de Toulouse croient ». Non, vous ne pouvez pas le faire de cette façon. Vous devez demander, vous devez consulter. L’une des choses que nous avons aimé faire est de nous associer à des éditions régionales. Nous nous sommes dit : « Attendons un instant, nous ne sommes pas là pour prendre la place de la Revue Adventiste. Nous sommes ici pour soutenir, encourager, ajouter du contenu qui peut améliorer votre ministère ». Si nous arrivons avec l’idée que nous sommes le « gros navire » et que tous les autres sont des remorqueurs, nous serons ignorés et nous perdrons notre mission. Donc, notre travail, comme nous l’avons découvert, est de poser les questions suivantes : « Comment pouvons-nous faire quelque chose qui profite à votre domaine, qui donne à vos lecteurs le sentiment d’être valorisés par leur église mondiale ? » Cela semble différent dans chaque partie du monde. Et en fait, votre édition est celle qui a l’air la plus différente, en raison de la simplicité pour l’imprimeur. C’est une manière innovante de montrer la différence, marquer la distinction et pourtant maintenir l’unité. Ailleurs, certains ont inséré notre magazine dans ce qui existait déjà. D’autres l’ont attaché côte à côte. D’autres encore ont inclus la plupart du contenu tout en conservant une partie est locale. Dans notre édition en swahili, qui est entièrement numérique, 25% du contenu provient d’auteurs, de leaders et de penseurs locaux d’expression swahili. Ainsi, chaque région reçoit une édition contextualisée. C’est pourquoi, Il était naturel de procéder de cette manière pour l’édition française.

RA. Je suis heureux de vous voir figurer dans ce premier numéro de la nouvelle Revue Adventiste, parce qu’effectivement, nous imprimons la Revue Adventiste et Adventist World ensemble, recto verso ; une nouvelle formule qui allie la vision locale et la vision mondiale. Nous vous en sommes très reconnaissants, car c’est grâce à vous, à Greg Scott et d’autres collègues, ainsi qu’à Ruben de Abreu, notre président actuel que nous avons pu adopter ce format. Nous avons tous travaillé pour un tel résultat. Je vous en suis très reconnaissant. Encore deux questions : la première, quel est le moment le plus marquant de ces années passées au service de Adventist Review Ministries ?

BK. Si je devais retenir un moment, c’est aux alentours de 2015, où j’ai vu Dieu commencer à introduire des personnes à ce ministère, alors qu’elles n’avaient jamais travaillé pour l’Église auparavant. Elles avaient une grande expérience dans l’industrie, dans d’autres métiers. Beaucoup d’entre elles ont eu énormément de succès à la télévision, dans le design, dans le marketing, mais n’avaient jamais travaillé pour l’Église. Elles ont soudain réalisé que leurs compétences étaient recherchées, et faire venir ces personnes dans l’orbite de l’Église était un point de basculement. Elles pensent différemment, Dieu soit loué ! Elles ne font pas rouler la bille dans le même sillon. Elles peuvent imaginer des résultats tout autrement. Elles ont vu différentes expressions de produits, et elles font bouger l’aiguille de notre ministère beaucoup plus rapidement. Elles disent : « Hé, avez-vous entendu parler de cette bonne idée ? » « Non, nous ne l’avions pas. » Alors, essayons-la et prenons des risques. Une des blagues que je raconte à mes amis qui ne sont jamais allés à la CG : « Il y a une grande bannière au-dessus de la porte d’entrée à la CG ». Ils répondent : je ne l’ai pas vue sur les photos ». Je leur réponds : « Ça dit : ne faites pas d’erreur ». Et ils rient ; et je dis : « C’est une blague », mais c’est la devise. Nous sommes dans un environnement où le risque est inversé. Nous avons décidé de devenir un groupe qui prendra au moins un risque mesurable. Nous allons essayer des édi- tions contextualisées. Nous allons nous engager et dire : « Qu’est-ce qui marche pour vous ? » Nous écouterons les lecteurs au lieu de leur dire ce dont ils ont besoin. Nous tes- terons les publics et le développement de produits. Nous créerons des produits sur la base du design, et non parce que l’éditeur l’aime. Ce fut un processus de réimagination de nous- mêmes. Mais nous avons ressenti l’approbation de l’Église dans ce processus. Il y a tellement plus de gens qui découvrent nos produits que nous n’en avions jamais vus auparavant. C’est l’œuvre du Seigneur.

RA. Merci de nous permettre, ainsi qu’à tous les membres de l’Église francophone en France, en Belgique et en Suisse, de profiter de cette nouvelle production combinée. Maintenant, malheureusement d’un côté, mais heureusement de l’autre, vous passez à un nouveau service, une nouvelle position, un nouveau ministère. Voici donc ma deuxième question : Où allez-vous maintenant ? Quelles vont être vos fonctions, en quelques mots ? Quelle est la chose la plus excitante qui vous enthousiaste en ce moment ?

BK. Le 1er janvier, je quitterai mon rôle de rédacteur en chef de l’Adventist Review, où je suis depuis 25 ans, pour être la liaison de l’Église avec le Congrès américain, la Maison Blanche, la Cour diplomatique. C’est, à bien des égards, un travail dont j’ai littéralement rêvé depuis que j’étais adolescent. J’ai appris à l’âge de 15 ans que l’Église avait un représentant au Capitole. Et j’ai pensé, « ils paient quelqu’un pour faire ça ? Moi, je le ferais gratuitement ! » Et voilà qu’en fin de carrière, je suis invité à faire un travail auquel j’ai toujours rêvé. C’est pour moi l’occasion d’aider à comprendre la foi qui m’habite est de faire comprendre que c’est une foi internationale, qu’elle a intégré la diversité et de multiples ethnies, races et points de vue, qu’elle n’est pas « une seule chose ». Et parfois, dans nos visions de la communication de l’Église, nous avons tenté de la montrer monochrome. Mais elle ne l’est pas, et elle ne le sera jamais, et Dieu soit loué, elle ne sera jamais monochrome. Nous devons bien représenter cette expression de l’adventisme, ce qui signifie que nous ne pouvons pas prétendre que tous les adventistes sont d’accord sur un même sujet. Ce que je dirai lorsque je commencerai à rencontrer les législateurs et les fonctionnaires, j’essaierai de refléter le fait qu’il y a un consensus sur le fait que les adventistes se soucient de ces libertés. Nous tenons à nous assurer que nous avons notre espace, que nos libertés sont protégées dans un environnement où de nombreuses libertés personnelles sont fréquemment remises en question par le gouvernement et d’autres entités. Donc, il s’agit de défendre ces choses dès maintenant, d’être proactif, de se faire des amis, de construire des relations. C’est la partie qui me semble la plus excitante, car c’est la partie dans ma vie quotidienne qui me procure le plus de plaisir. J’aime voir des gens se retrouver dans des communautés. J’aime voir des gens qui ne connaissaient pas certains thèmes ; rencontrer d’autres qui peuvent les aider à les apprendre avec grâce. En réalité, la chance d’être au beau milieu de quelque chose que j’ai toujours rêvé, ressemble à la description de poste que le Seigneur a écrite pour moi.

RA. Donc, on dirait que la Maison Blanche va être votre maison.

BK. Non ! Mais la coïncidence veut que j’aurai un bureau juste à côté de la Cour suprême des États-Unis, de l’autre côté du Capitole. Je vais donc pouvoir travailler dans un endroit que j’ai imaginé toute ma vie.

RA. Donc vous verrez très souvent l’aumônier Black ?!

BK. Eh bien, oui. Il sera juste de l’autre côté de la place, et c’est un homme que je respecte profondément. Un homme qui a joué un rôle identique. En tant qu’aumônier du Sénat, il a soigneusement évité tout enchevêtrement partisan. Ses études bibliques rassemblent des gens de tous horizons. Ils ne sont pas là pour être républicains ou démocrates, ou verts ou indépendants. Ils sont là parce qu’ils partagent la convic- tion que l’Écriture peut être un guide pour nous. Son don consiste à agir sans aucune distinction partisane. C’est donc vers lui que je me tournerai pour certains points.

RA. Ainsi, nous avons toujours nos « Daniels » de nos jours. Je suis sûr que Dieu choisit ses serviteurs à bon escient. J’en suis heureux. Je suis très reconnaissant pour toute l’aide que vous nous apportez, à la Revue Adven- tiste, à l’Union de fédérations franco-belge, j’ai prié pour vous, et je continuerai à prier pour votre nouvel engage- ment, votre nouvelle responsabilité.

BK. J’y compte bien.

RA. Que Dieu vous bénisse abondamment ainsi que votre famille. Merci.