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Par Dick Duerksen | Adventist World, mai 2023

« Oui bonjour ! J’appelle du bureau de Ronald Reagan, gouverneur de la Californie. Je vous remercie de prendre mon appel. Le gouverneur aimerait parler au président de votre église, le pasteur Robert Pierson, si je ne m’abuse. Oui, j’attends. Merci ! »

L’appel était, comme on dit, « sorti de nulle part » et allait faire des vagues dans le monde entier.

« Bonjour Pasteur Pierson ! Ici Ronald Reagan. Écoutez, j’ai un problème personnel que vous pourriez peut-être résoudre pour moi. Il s’agit du docteur Saleem Farag. Je sais qu’il doit retourner en tant que missionnaire sur les hauts plateaux de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Je voudrais qu’il reste ici pour occuper le poste de directeur de la santé de la Californie. Dites-moi, est-ce que c’est possible ? »

Les parents du Dr Saleem Farag furent les premiers à être baptisés en tant qu’adventistes au Caire, en Égypte. Son père, un cadre supérieur des chemins de fer égyptiens, perdit son poste parce qu’il observait le sabbat. Il dut ensuite se démener pour subvenir aux besoins de sa femme et de leurs huit enfants. Les expériences vécues pendant ces années en Égypte contribuèrent à forger chez leur fils Saleem un engagement solide : écouter l’appel de Dieu et suivre ce dernier là où il le mènerait.

Au nombre de ces appels, le Dr Saleem Farag, sa femme Grace et leurs trois petites filles ont été envoyés en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Là, il devait occuper le poste de directeur du Ministère de la santé pour l’Église adventiste. Pendant que Grace s’occupait des filles, Saleem se rendait dans des centaines de petits villages disséminés dans les collines escarpées de l’île. Partout, il enseignait et démontrait les principes essentiels d’une bonne santé qu’il avait appris en tant qu’étudiant et en tant qu’enseignant à la faculté de santé publique de l’Université de Loma Linda : l’eau potable, une alimentation équilibrée, et l’exercice.

La partie « exercice » passait bien. Par contre, la propreté, l’alimentation et l’eau potable étaient des idées totalement nouvelles pour les habitants.

Lorsqu’ils sont arrivés en Papouasie-Nouvelle-Guinée, le taux de mortalité infantile avoisinait les 50 pour cent – ce qui signifie que plus de la moitié des bébés mouraient avant l’âge de deux ans. Le Dr Farag s’est donné pour mission de changer cette situation. « Assainissez vos sources d’eau, sortez les animaux de la maison et faites vacciner vos bébés », enseignait-il à tous ceux qui voulaient bien l’entendre.

Après trois ans de travail, d’enseignement et de démonstration du meilleur mode de vie, il a établi une école de soins infirmiers, une école de santé publique, et a ouvert 60 cliniques rurales. En outre, le taux de mortalité infantile a chuté à 2 pour cent !

Trois ans plus tard, l’Église a proposé aux Farag un congé bien mérité. Ils étaient épuisés et impatients de rentrer chez eux, en Amérique.

RÉFORME DES SOINS DE SANTÉ POUR LA CALIFORNIE

Mais Saleem ne voulait pas se contenter de rendre visite à la famille et de se prélasser sous le porche. Il voulait en savoir davantage sur la santé publique, découvrir de meilleurs moyens d’assainir l’eau, et bien d’autres choses encore. Un jour, il a appris que Ronald Reagan, le nouveau gouverneur de la Californie, invitait les professionnels de la santé à postuler pour la rédaction d’un document de synthèse sur la réforme des soins de santé pour son administration. Saleem a souri et s’est mis à écrire.

Sa candidature s’est retrouvée avec des dizaines d’autres sur le bureau du gouverneur. Et c’est elle que ce dernier a retenue ! Bien qu’étant « un missionnaire de la PNG en permission », maintenant il travaillait aussi pour Ronald Reagan ! Il a rédigé une proposition visant à transformer les soins de santé en Californie, à les rendre plus pratiques, plus focalisés sur les enfants et sur la prise en charge de la « personne globale » plutôt que sur les soins hospitaliers.

Lorsque le gouverneur a lu la proposition de Saleem, les Farag étaient déjà à bord d’un bateau en partance pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Quand leur bateau a accosté à Honolulu, un message les attendait de la part de Reagan. « Je vous en prie, revenez ! disait-il. Je veux que vous soyez directeur de la santé de la Californie ! »

« Je suis heureux et désolé à la fois, a répondu le Dr Farag. Heureux de ce que vous approuviez mon document, et désolé de ne pas pouvoir accepter votre offre. J’ai pris l’engagement d’aller là où Dieu m’appelle, et actuellement, il m’appelle à retourner en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour aider les habitants des hauts plateaux à améliorer leur santé. »

À l’ouïe de cette réponse, Ronald Reagan a immédiatement demandé à son bureau de téléphoner au président de l’Église adventiste.

UN APPEL PLUS ÉLEVÉ

Jamais auparavant un gouverneur d’État n’avait demandé à l’Église d’annuler l’appel d’une famille missionnaire et de la faire rentrer chez elle. Après la conversation, le président Pierson a téléphoné à plusieurs vice-présidents, puis au président de l’Université de Loma Linda, pour leur demander ce qu’il devait faire. Peu après, les Farag ont reçu un message à leur arrivée à Sydney, en Australie.

La note commençait par « Frère Farag ». Il y avait d’abord un beau paragraphe dans lequel le président félicitait Saleem pour le bon travail qu’il avait déjà accompli en Papouasie-Nouvelle-Guinée, puis un deuxième dans lequel il demandait aux Farag de prendre le prochain bateau pour la Californie.

« Nous croyons, a dit le président, que vous avez reçu un appel plus élevé. »

Les huit années suivantes ont été marquées par un tourbillon de comité, de consultations, de séances de planification et de changements communautaires positifs en Californie. Puis, comme cela arrive souvent en politique, le gouverneur Reagan, un républicain conservateur, est passé à autre chose après que Jerry Brown, un démocrate libéral, ait été élu au poste de gouverneur. Du coup, Saleem a commencé à faire ses valises.

« Je ne savais pas du tout où nous irions, se souvient-il, mais je savais que je ne travaillerais plus avec le gouverneur de la Californie. »

C’est alors que le gouverneur – le « nouveau » gouverneur – a contacté Saleem.

« Dr Farag, j’aimerais que vous continuiez à occuper le poste de directeur de la santé de la Californie, a dit le gouverneur Brown. J’ai appris que vous n’étiez pas un politicien, mais que vous serviez de manière impartiale, honnête et juste. Un peu comme Daniel ! J’apprécie votre
travail et j’aimerais vous avoir dans mon équipe. »

« Entendu, a dit le Dr Farag au gouverneur. Oh, encore une chose : comme je suis adventiste du septième jour, je ne serai pas disponible du vendredi au coucher du soleil jusqu’au samedi au coucher du soleil. J’espère que ça ne pose pas problème. »

« Aucun problème ! » a répondu le gouverneur.

Les Farag ont donc défait leurs bagages et se sont installés pour une nouvelle aventure pastorale.

LE SABBAT PLUTÔT QUE LA POLITIQUE

Un sabbat matin, juste au moment où la famille partait à l’église, le téléphone a sonné. C’était le gouverneur.

« Écoutez, nous avons une réunion urgente du cabinet dans environ une heure, a dit le gouverneur. Je pense que vous avez des informations qui seraient importantes pour la discussion. »

L’espace d’un instant, Saleem s’est souvenu du jour où son père et lui étaient allés voir la momie du pharaon qui avait pris la place de Moïse. « Pharaon est ici, avait dit son père, mais Moïse, lui, est au ciel. »

L’appel de Dieu était clair.

« J’ai dit que j’étais désolé de ne pas pouvoir venir et j’ai donné une explication détaillée, se souvient Saleem. Puis je suis allé à l’église avec ma famille, sachant que je venais probablement de perdre mon emploi. »

Le lundi matin, le gouverneur a convoqué une nouvelle réunion de ses proches conseillers, dont Saleem.

« Mon mari s’y est rendu, s’attendant à être congédié parce qu’il avait refusé de participer à la réunion du samedi, se souvient Grace. Mais lorsque le gouverneur est entré et s’est assis dans son fauteuil, il s’est tourné vers son secrétaire et lui a dit : “Veuillez noter que le Dr Farag ne doit jamais être appelé le samedi, car c’est son sabbat.” »


Suite dans le numéro de juin de Adventist World.


Dick Duerksen, pasteur et conteur, habite à Portland, en Oregon, aux États-Unis.