Par Jeroen Tuinstra | Revue Adventiste Janvier 2023
Paul commence sa lettre à l’une de ses églises de manière habituelle avec les salutations d’usage, chose qui se perd de plus en plus de nos jours.
Nous n’écrivons plus de lettre. Nous utilisons WhatsApp, les SMS, nous sommes sur Discord et nos aînés communiquent par e-mail, zoom ou Teams. Ces messages doivent être courts et « ciblés ». Plus besoin de longues formules poétiques ni d’expressions fleuries. Ce n’est qu’à des occasions spéciales ou importantes que nous avons parfois encore envie de nous glisser derrière notre ordinateur pour écrire une lettre, ou à notre amoureux, bien sûr. Dans ce dernier cas, ce n’est plus à l’ordinateur, mais ce sera une lettre rédigée à la main. Alors, les phrases fleuries, poétiques et bien sûr romantiques reviennent…
Ainsi, cette introduction de Paul que l’on retrouve dans chacune de ses lettres, est toujours adaptée et personnalisée, de manière tout à fait spéciale. Notamment si, comme l’a souligné Ruben, cette église a brisé le cœur de Paul à maintes reprises. Dans la quasi-totalité de ses lettres, des abus considérables sont dénoncés : jeux de pouvoir, inconduites sexuelles, apostasie et systèmes de classes. Pourtant, chaque lettre contient cette ouverture propre à l’apôtre : une sorte de réconfort. Comparez cela à une lettre que vous envoyez à votre amoureux(se), en lui disant d’abord que vous l’aimez tendrement, sans toutefois passer sous silence certains sujets plus délicats : les vêtements sales sont à mettre dans le panier à linge ; la lunette des toilettes peut être abaissée et la vaisselle propre ne peut retourner d’elle-même dans le placard…
Bien sûr, les sujets que Paul dénonce sont d’un ordre bien différent. À ses yeux, il est d’une importance capitale d’affirmer à ces personnes qu’elles appartiennent à Dieu et qu’elles sont aimées. En effet, en Jésus-Christ, nous appartenons à Dieu. Se connecter à Jésus signifie être connecté à Dieu, lui appartenir.
Lorsque j’ai grandi aux Pays-Bas, une expression courante chez les chrétiens évangéliques indiquait qu’ils étaient unis à Jésus : ils complétaient leurs pensées par l’expression « dans le Seigneur ». Un véritable chrétien se reconnaissait par l’expression « dans le Seigneur ». Selon l’opinion générale, ce terme perçu comme fortement ironique servait d’étiquette collée à une personne un peu trop religieuse que l’on désignait d’un ton cynique « dans son Seigneur ». En tant que jeune, cette expression n’a cessé de m’intriguer. Que signifie réellement « être dans le Seigneur » ? Ou, comme le dit ce texte en français, « être uni au Christ » ?
Bien que la pensée de Paul soit théologique, il demeure tout de même un prédicateur pratique. Appartenir au Christ, ce n’est pas seulement croire en lui de façon théorique, mais c’est modeler sa vie sur celle de Jésus. Non pas au sens littéral : s’habiller ou manger comme Jésus. Mais concrètement, appréhender la vie à l’instar de Jésus. Les sujets qui lui semblaient importants étaient mis en évidence. Le regard sur la personne humaine, l’amenait à les traiter avec équité. Il posait l’équilibre entre ce qui était à condamner et ce qui ne l’était pas. Jésus-Christ s’est toujours mis au service de l’autre : des plus petits, des rejetés, ceux qui ne satisfaisaient pas toujours aux exigences sociétales. Par conséquent, ces personnes n’étaient pas toujours les plus populaires ou les plus aimées. La vie de Jésus n’était pas centrée sur lui, mais sur l’autre : « Celui d’entre vous qui veut être le plus important devra servir les autres… comme le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. »
Être uni au Christ, se connecter à Jésus, « être dans le Seigneur », signifie que vous n’êtes pas au centre, mais servir les autres est le point central de votre vie. Lorsque vous prenez Jésus comme votre « influenceur », il ne s’agit pas de votre vie, de savoir si elle est parfaite ; si vous portez les plus beaux vêtements ; si vous avez passé les plus belles vacances ; si vous pouvez afficher suffisamment de « bling bling » ; si vous pouvez inventer ou exécuter les pas de danse les plus récents. Ce sont ces choses qui définissent la raison d’être des influenceurs sur Instagram, TikTok ou Facebook.
L’attitude de Jésus se centrait sur les autres pour améliorer leurs vies : guérir les malades, relever les vaincus. Précisément pour ne pas attirer l’attention sur sa propre personne. À plusieurs reprises, après avoir miraculeusement guéri quelqu’un, le Christ insistait demandant de ne surtout pas en parler (Mt 8.4 ; 9.30, Marc 5.43). À l’inverse, nous sortons immédiatement notre téléphone portable afin de partager avec tous une de nos prouesses. Jésus a clairement indiqué qu’il ne s’agissait pas de lui-même mais de l’autre.
L’apôtre Paul a écrit de nombreuses lettres et des centaines de livres ont été publiés à son sujet. Il est le théologien le plus connu du monde chrétien. On peut, à juste titre, le qualifier « d’influenceur ». Mais à l’instar du plus grand exemple, Jésus- Christ, tout ne tournait pas autour de lui, mais bien de l’autre, du voisin, du rejeté, de celui qui ne peut pas se maintenir dans la société, du pauvre, du faible. Notre valeur aux yeux de Dieu se centre dans la communion avec Jésus. À nous de montrer ce lien dans nos rapports les uns à l’égard des autres. Loin des projecteurs ou d’Instagram, TikTok ou Facebook, mais tout simplement dans notre quotidien.