Par Lowell C. Cooper | Adventist World, janvier 2023
Les églises locales, les fédérations, les unions, les divisions, la Conférence générale et leurs institutions ont souvent besoin de dirigeants pour différents postes. Les départs à la retraite, les démissions, les transitions, et parfois les décès créent une porte tournante dans les bureaux de direction. Comment une organisation déniche-t-elle un « bon » dirigeant pour son époque ? N’y en a-t-il qu’un seul ? Comment recruter et retenir une telle personne ? Quelle est la nature du leadership dans l’infrastructure de l’Église adventiste ?
Comme les rôles de leadership sont très importants dans la vie de l’Église et des institutions, les processus de recrutement, de sélection, de performance et de responsabilité méritent d’être examinés attentivement. Il existe peut-être même des moyens d’améliorer les pratiques traditionnelles.
En matière de leadership dans une organisation, l’identification et la sélection de dirigeants n’est certes pas la seule préoccupation. Dans le cadre global du leadership, il existe d’autres dimensions en rapport avec la formation continue, l’évaluation de la performance, la culture du milieu de travail, et le mentorat. Une organisation doit regarder au-delà du processus de sélection des dirigeants et adopter des systèmes et des stratégies qui contribuent au succès du leadership et à la pérennité de l’entité.
NATURE DU LEADERSHIP DANS L’ÉGLISE
L’Église existe dans des sociétés qui fonctionnent selon des paradigmes de leadership différents, que ce soit au niveau du gouvernement, du commerce, ou de l’armée. En effet, aucun d’entre eux n’offre un modèle de structure et de performance de leadership pour la communauté de foi. L’Église adventiste a adopté une approche du leadership fondée sur le travail en équipe, l’autorité ultime étant déte- nue par un groupe plutôt que par un individu. En outre, le leadership chrétien a une mentalité de service plutôt que de contrôle. « Le leadership n’est pas tant l’exercice du pouvoir lui-même que la délégation du pouvoir à d’autres1. »
L’être humain a tendance à exercer le pouvoir et l’autorité, du moins dans une certaine mesure, en vue de son propre intérêt – on veut être le premier, gravir les échelons du succès, rabaisser les autres, être considéré comme étant puissant, avoir du prestige, et recevoir des applaudissements. Le leadership chrétien, lui, consiste à exercer le pouvoir et l’autorité pour le bien des autres. Les paroles de Jésus constituent le fondement même du leadership chrétien : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22.27).
L’Église, comme toutes les organisations bénévoles, a une réaction différente à l’autorité de celles observées dans des structures hiérarchiques rigides. « Le leadership étant forcément un exercice d’autorité, il se transforme facilement en exercice de pouvoir. Dès l’instant où il en est ainsi, il commence à infliger des dommages à la fois au dirigeant et au dirigé 2. »
Ceux « qui ont été choisis pour occuper des postes de confiance ne devraient pas penser qu’ils ont le droit de dominer, mais [plutôt] nourrir à l’égard du Seigneur un sentiment d’humble dépendance. Qu’ils ne cherchent donc pas à exercer une trop grande autorité. Le Seigneur ne les a pas appelés à dominer, mais à faire des plans de concert avec leurs compagnons d’œuvre 3. »
Si les dirigeants chrétiens n’abandonnent pas l’usage de l’autorité, en revanche, ils exercent leur pouvoir sous la contrainte d’une vie de sacrifice pour le bien de leurs semblables. C’est la capacité d’un dirigeant à s’oublier lui-même qui le distingue souvent des autres. « Il n’est jamais entré dans le dessein de Dieu que l’esprit et le jugement d’un seul homme soient un pouvoir contraignant. Le Seigneur n’a jamais voulu qu’un seul homme gouverne, planifie et conçoive sans la considération attentive et pieuse de tout le corps, afin que tous puissent agir d’une manière équilibrée, consciencieuse et harmonieuse 4. »
LE LEADERSHIP : PROCESSUS DE SÉLECTION
La plupart des dirigeants qui occupent des fonctions électives sont choisis dans le cadre d’un processus de nomination. Ce processus débouche sur une recommandation aux délégués, et ceux-ci votent lors d’une assemblée administrative.
Dans de nombreux cas, on attend du comité de nomination qu’il s’acquitte, en quelques heures, de son devoir de recommander des noms pour toute une brochette de postes de direction. Il s’agit là d’une tâche ardue, et pour gagner du temps, on peut sacrifier certains aspects de l’efficacité.
Plusieurs organisations ont adopté des règlements administratifs permet- tant la formation et le fonctionnement du comité de nomination bien avant une session de la constituante. Ces dispositions offrent un environnement plus délibératif pour les recommanda- tions sur le leadership exécutif.
En outre, si un nouveau dirigeant est recommandé pour l’élection, le comité de nomination dispose de plus de temps pour réfléchir à la sélection éventuelle des membres de l’équipe. Il est important de laisser plus de temps au comité de nomination et aux dirigeants sélectionnés pour réfléchir, faire des recherches et des évaluations, car les jugements humains sur les personnes ont plutôt tendance à être superficiels. Confronté à de telles circonstances, le prophète Samuel a appris que « l’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Éternel regarde au cœur » (1 S 16.7).
Par ailleurs, il est important de consacrer suffisamment de temps à l’examen des candidats potentiels au leadership afin de permettre l’ex- ploration d’un éventail plus large de possibilités. S’il subit une contrainte de temps, un comité de nomination peut revenir à un schéma qui consiste à se focaliser sur une tranche d’âge réduite et un nombre limité de candidats. Une attention insuffisante sur ces questions peut faire oublier les contributions des jeunes, des personnes âgées, des minorités, ou des personnes douées qui n’ont pas retenu l’attention du public.
Dans les annales de l’histoire divine, Dieu a souvent choisi des dirigeants improbables à travers lesquels sa puissance se manifestait.
Ellen White attire l’attention sur le fait qu’on ne traite pas seulement de rôles sociaux, de résultats scolaires et de qualifications expérimentales : « C’est la présence du Saint-Esprit qui prépare hommes et femmes à devenir pasteurs du troupeau de Dieu »5.
Parfois, les institutions ont fait appel à des organismes de recherche de cadres pour les aider dans le pro- cessus de recherche. Ces organismes utilisent un processus systématique dans la sélection de candidats poten- tiels pour le leadership. Il est impor- tant que les personnes ou les groupes menant une recherche de leadership commencent par une description de poste qui soit à jour.
Les curriculums vitae des can- didats potentiels sont évalués en fonction des exigences du poste. Lorsque le processus de recherche commence à se concentrer sur une liste de candidats réduite, il est impé- ratif de passer chaque candidat en entrevue, et d’explorer les références fournies ainsi que toute information provenant d’employeurs précédents.
La vie de dirigeant est surtout relationnelle. Les qualifications d’une personne pour le leadership peuvent dépendre de ses connaissances et de son expertise dans des domaines spécifiques. En plus du savoir-faire technique, académique et pratique qu’une personne apporte au poste, il est obligatoire qu’elle ait des compé- tences interpersonnelles. Les comités de recherche peuvent trop facilement se focaliser sur les qualifications pro- fessionnelles et négliger l’importance des composantes relationnelles de la vie au sein d’une organisation – fiabi- lité, habitudes de communication et d’écoute, mentalité de travail d’équipe, respect des collègues, et réflexion sur l’impact à long terme des décisions et des mesures adoptées.
À moins que la description du poste ne précise les conditions d’admissibilité, les règlements de l’entité peuvent exiger que dans leur processus de recherche, les comités de nomination ou de recherche incluent des candidats masculins et féminins, ainsi que des représentants des mino- rités. Cette démarche, qu’elle soit obli- gatoire ou non, reflète la philosophie officielle des adventistes sur la famille de Dieu – une famille multiraciale, multiethnique, et ouverte aux deux sexes6. La politique actuelle de l’Église ne reconnaît qu’une exception : elle réserve la consécration au ministère de l’Évangile uniquement aux hommes.
SUCCÈS DU LEADERSHIP
Le rôle de l’organe directeur dans la réussite du leadership est aussi impor- tant que son rôle dans la sélection du leadership. Les personnes élues ou nommées pour la première fois ne doivent pas être laissées à elles- mêmes pour comprendre ce que la responsabilité implique ou comment elle doit être accomplie. Dans l’église locale, le pasteur et les membres du comité d’église doivent s’assurer que les personnes entrant dans de nouvelles fonctions reçoivent une for- mation et une orientation appropriées à leurs nouvelles responsabilités.
Ailleurs dans la structure de l’organi- sation, le comité exécutif ou le conseil d’administration doit veiller à ce que les nouveaux dirigeants bénéficient d’une orientation adéquate et aient la possibilité de suivre une formation continue en rapport avec les responsa- bilités assumées. Diverses initiatives de formation du leadership ont vu le jour dans les divisions et à la Conférence générale. Il y a, évidemment, encore des progrès à faire pour systématiser la formation et l’orientation du leadership dans l’infrastructure ecclésiale et institutionnelle.
Voici une autre façon pour les organes directeurs de soutenir et de faciliter le succès du leadership : procéder à des évaluations périodiques du leadership. Lorsque faite de manière constructive et dans l’intérêt du soutien et du développement des dirigeants, l’évaluation révèle à la fois les points forts et les possibilités d’amélioration. Les outils d’évaluation des dirigeants sont nombreux ou peuvent être créés selon les besoins. Une évaluation tous azi- muts donne l’occasion aux collègues, aux superviseurs et aux personnes supervisées de réfléchir à la perfor- mance du dirigeant et fournit des perspectives multidimensionnelles de la performance d’une personne.
L’HÉRITAGE DU LEADERSHIP
L’une des principales priorités du leadership est de penser à ce qu’une personne laissera derrière elle le jour où elle quittera son emploi ou pren- dra sa retraite. Ainsi, le leadership ne consiste pas seulement à faire ce qui peut être fait aujourd’hui, mais aussi à préparer les gens et l’organisation pour l’avenir.
Les responsabilités qu’une per- sonne assume aujourd’hui passeront demain à quelqu’un d’autre. Chaque dirigeant, qu’il soit administrateur ou non, doit passer délibérément le flambeau à la génération suivante. Cela implique d’équiper les gens de compétences, de faire appel à leur créativité et à leur engagement, de leur permettre de comprendre et d’adopter la mission de l’organisation, et de leur enseigner l’art du leadership. Au nombre des priorités du leadership, il faut constituer un pool de candidats pour le leadership de demain.
La vie de Barnabas, vue à travers de brefs aperçus consignés dans le livre des Actes des apôtres, est un exemple puissant d’un dirigeant qui a laissé en héritage le principe de former des gens. Barnabas a joué un rôle déter- minant dans la vie et le leadership de l’apôtre Paul. Alors que les disciples hésitaient à accepter un Paul désormais converti, Barnabas a pris de grands risques personnels pour encourager ce dernier et convaincre les disciples de l’authenticité de son expérience spirituelle.
À Antioche, un endroit où une église avait été établie sans la sanction officielle et l’implication des diri- geants « acceptés », Barnabas a vu la grâce de Dieu plutôt que les faiblesses et les erreurs de cette congrégation naissante. Resté à Antioche, voyant les besoins sur place et reconnaissant peut-être ses propres limites, Bar- nabas a demandé à Paul de venir le rejoindre dans son travail. Il discernait son talent et ses capacités, et était assez solide pour amener d’autres personnes douées dans le leadership.
Bien que partenaires dans la mis- sion pendant un certain temps, Paul et Barnabas se sont finalement séparés à cause d’un désaccord sur la présence du jeune Jean Marc. Barnabas a servi de mentor à Jean Marc, et finalement, Paul lui-même a reconnu que celui-ci était un compagnon précieux.
GOUVERNANCE ET LEADERSHIP
Dans les entités ecclésiales, la responsabilité du leadership n’in- combe pas seulement aux personnes élues. L’organe directeur (le comité exécutif ou le conseil d’administra- tion) lui-même joue un rôle crucial au sein du leadership. Dans la structure organisationnelle de l’Église adven- tiste, les décisions les plus impor- tantes sont prises par un groupe – le comité d’église, les comités exécutifs des fédérations, des unions, des divisions, de la Conférence générale – et dans le cas des institutions, par le conseil d’administration. Chaque dirigeant individuel doit rendre des comptes devant un groupe. La plus haute autorité d’une entité ou d’une organisation est toujours accordée à un groupe plutôt qu’à un individu. En définitive, du point de vue du leadership, le succès de l’organisation dépend de l’organe directeur.
Le défi ici, c’est que les décisions de groupe efficaces ne surgissent pas spontanément. Elles nécessitent une conception délibérée de la structure et de la dynamique sociale. Par conséquent, une formation appropriée des membres du comité exécutif et des membres du conseil d’administration est essentielle pour garantir une gouvernance efficace et efficiente. Les membres de l’organe directeur doivent recevoir une formation pour bien connaître l’organisation, pour savoir quelles sont les compétences requises pour participer à une prise de décision responsable, et pour savoir ce qu’ils doivent faire pour s’acquitter de leurs responsabilités de gouvernance de manière efficace et efficiente.
CONCLUSION
Toute organisation a besoin d’un leadership. L’Église adventiste com- porte des structures ecclésiastiques et institutionnelles dans le monde entier – toutes ayant des rôles de direction multiples. Chaque entité de notre structure mondiale est engagée dans une mission à long terme qui survit à la génération de dirigeants présente. Par conséquent, chaque unité de l’organisation doit réfléchir consciencieusement aux processus par lesquels les dirigeants sont choisis, à la nature d’un leadership à l’image du Christ, aux systèmes par lesquels le leadership est soutenu et développé, et aux stratégies qui assurent un apport continu de nouveaux dirigeants pour les temps changeants et difficiles à venir. Puisse Dieu nous accorder la sagesse néces- saire pour aborder la nature, le statut et la performance du leadership dans chaque entité de l’Église !
1 Warren Bennis et Burt Nanus, Leaders: The Strategies for Taking Charge, New York, Harper & Row, 1985, p. 80.
2 Eugene Peterson, The Message: The New Testament, Psalms and Proverbs, NAVPRESS 1996, Introduction à 2 Corinthiens.
3 Ellen G. White, Témoignages pour l’Église, vol. 3, chap. 75, p. 496.
4 Idem., Selected Messages, vol. 3, Washington, D.C., Review and Herald Pub. Assn., 1980, p. 16, 17.
5 Idem., Témoignages pour l’Église, vol. 2, p. 631.
6 General Conference Working Policy, BA 60 Human Relations, et BA 60 10 Official Position.
Lowell C. Cooper a occupé pendant de nombreuses années le poste de vice-président de la Conférence générale des adventistes du septième jour.