Par Amélie Trébeau | Publié dans la RA de Septembre-Décembre 2022
Je me souviens bien de ce jour où je suis entrée dans son bureau. J’en suis ressortie avec les larmes amères d’un profond sentiment d’injustice ; ne pouvant supporter d’avantage cette situation que j’endurais depuis déjà trois années.
J’avais enfin décroché mon premier vrai job, une opportunité en or ! Un CDI dans une entreprise reconnue et implantée dans un beau quartier parisien. C’était le job idéal ! Une création de poste, tout est à construire ; une organisation à mettre en place, bref un boulot sur mesure. J’occupais mon petit bureau paisible dans un magnifique bâtiment cossu et classé qui plus est.
Ma chef semblait une dame charmante et après avoir enchaîné des petits boulots, j’étais ravie de pouvoir enfin poser mon baluchon et démarrer cette toute nouvelle aventure.
Les choses se passaient agréablement bien, je donnais le meilleur de mon potentiel pour fournir un travail de qualité qui satisfasse cette supérieure hiérarchique. Et puis, au bout d’un certain temps, je commençais à entre apercevoir des choses qui me laissaient perplexe. Les méthodes de travail de ma responsable, son autoritarisme implacable ont commencé à avoir un effet nocif. En discutant avec mes collègues, je comprenais en fait que quelque chose ne tournait pas rond.
Les jours passant, mon malaise s’accroissait, et surtout en sa présence, et ne comprenais pas sa vision des choses ni ses attitudes dures et injustes. Un jour, un collègue de retour après une longue absence à la suite d’une importante blessure, était ravi enfin de pouvoir remettre la main à la pâte. D’un revers de main désinvolte et moqueur, la responsable signa un document qui allait renvoyer cette personne chez elle, évoquant l’incapacité. La médecine du travail, professionnel de santé qualifiée en la matière, avait pourtant émis un avis favorable pour la reprise de poste. Ce fut un coup terrible pour le moral de cet homme si dévoué à son travail.
Il rentra donc chez lui, l’esprit complètement abattu, démoralisé et contrarié. Je ressentais une profonde compassion pour ce monsieur et j’étais atterrée par cette méthode expéditive dépourvue de bon sens et d’indulgence.
Je découvrais que ma responsable était en fait une personne angoissée, hystérique et lunatique. Elle était en fait d’une humeur massacrante imprévisible. Il fallait constamment jongler entre ses sautes d’humeur et ses inlassables désidérata extrêmement exigeants.
Le malaise augmentant, je me rendais au travail le cœur serré, et les jours où elle devait s’absenter se transformaient finalement en jours de repos émotionnel pour tout le service. Une solidarité s’était créée dans cette situation que nous ne pouvions pas changer. Nous devions nous adapter un peu comme des caméléons ; supporter vaillamment la servitude et attendre que l’orage passe. Mais il ne passait pas.
Trois années s’étaient ainsi écoulées sans aucune alternative pour nous et je commençais sérieusement à envisager la démission. C’était confus dans mon esprit car j’avais des projets de mariage et de logement. Quitter ce job était risqué. Cependant en dehors de cet aspect relationnel difficile, j’aimais mon travail, mes collègues, et m’épanouissais dans ma fonction.
Un jour, je fus convoquée et pensais devoir corriger le même courrier pour la énième fois ; ne serait-ce que pour une virgule mal placée ou un espace oublié. Chose étrange, j’ai totalement oublié les faits exacts de notre entretien de ce jour-là. Ce dont je me souviens, c’est qu’elle s’est emportée. Une fureur envahit soudain son visage, mais pour la première fois je ne pus contenir mes mots. J’osai cette fois la contredire et défendre ce qui me semblait juste.
Erreur fatale ! Que n’avais-je donc osé faire à cette heure. Elle m’invectiva de plus belle et la tension devint palpable, la scène me sembla soudain insupportable. Sans avoir attendu la fin de notre échange, je me suis précipitée hors de son bureau pour quitter le bâtiment. Je me suis mise à marcher à vive allure dans la rue, tout mon corps tremblait comme une feuille, je ne savais où aller ni que faire. Je venais d’essuyer ce qui pour moi s’apparentait à une nouvelle profonde injustice, et il ne m’était pas possible, à ce moment précis, de la surmonter. Alors, je me suis mise à pleurer à chaudes larmes, telle une enfant. J’implorai Dieu comme jamais, je le suppliai de me délivrer de cette situation intenable. Je lui demandai avec instance de m’arracher de cette condition et lui avouai ma faiblesse à pouvoir la supporter plus longtemps.
Je fis une chose qui pourrait sembler incompréhensible. Après que la pression fut redescendue, je repris mon calme et retournai voir ma responsable le lendemain lui demandant d’excuser mon comportement. Elle acquiesça, mais la routine reprit son cours.
Peu de temps qui a suivi cet épisode, je partis en vacances. Un événement des plus inattendus survint en mon absence et je n’en avais aucune idée. De retour au bureau, la Cheffe n’était pas là ; je pris des nouvelles et fus informée de son départ définitif de l’entreprise. Elle avait été licenciée à cause d’une mauvaise ingérence dans une affaire grave dont j’en ignorais totalement l’existence. J’en étais abasourdie, et n’en revenais pas.
Voilà à quoi peut ressembler le genre de délivrance que Dieu a le pouvoir d’opérer en faveur de ceux qui se confient en lui. Dans le secret, il avait tout orchestré pour qu’en mon absence soit mise au grand jour la profonde incompétence de cette personne. Pour ma part, je le savais car j’avais vu de mes propres yeux son incapacité à gérer les deux services dont elle avait la charge. Tous étaient lucides et victimes de ses difficultés relationnelles. Mais jamais, je n’aurai pensé ni même imaginé une telle fin, aussi rapide que radicale. Je ne me sentais pas digne, mais je ressentais une grande reconnaissance envers Dieu d’avoir entendu et exaucé mes prières et mes supplications.
Les modes opérationnels de notre Dieu sont incroyables du point de vue humain, ils nous dépassent et sont souvent surprenants. Pourvu que l’on demande la délivrance avec un cœur humble et le souci du respect de nos supérieurs et de tous ceux qui nous entourent.
Je n’ai jamais eu, par la grâce de Dieu, de rancœur ni de haine envers cette personne. J’avais au contraire de la compassion, et bien que cette situation devînt insoutenable, je la respectais tant dans sa position hiérarchique que dans son humanité au point même de vouloir l’aider.
Je partage un texte de l’Écriture à retenir dans les situations les plus inextricables : « Le malheur atteint souvent le juste, mais l’Éternel l’en délivre toujours » Psaumes 34.19.
Ce court épisode de ma vie est la preuve concrète de la véracité de cette simple affirmation biblique, croyez-le le Seigneur est toujours prêt à nous délivrer de nos difficultés. Toutefois, son temps diffère du nôtre, le fera agir quand il le voudra. Alors, retenons que son temps peut parfois être très court.
Amélie Trébeau